"La mort du Christ et Sa Résurrection ont séparé définitivement la foi de la magie, ainsi que le symbole de la superstition"
Biographie

Costy Bendaly (22.08.1926-12.12.2013)

   Sa famille se composait, en plus de son père Alexandre et de sa mère Théodora Boulos, de deux sœurs les docteurs Espérance Khlat et Gloria Nahas et de deux frères l’évêque Paul (métropolite de Akkar) et le docteur Marcel. Il se maria en 1961 avec Kathy Drouby et ils eurent trois fils, Iskandar, Ghassan et Diya’, et sept petits-enfants, Nour, Tarek, Costy, Farah, Fadi, Ghadi et Thea.

Scolarisé à l’école des Frères de Tripoli, il obtint le baccalauréat à l’âge de 15 ans, mais dût travailler dès 1942 pour aider sa mère à subvenir aux besoins de la famille suite au décès prématuré de son père. Sa mère, reconnue pour sa foi, son courage, sa culture et sa sagesse, eut une grande influence sur ses enfants et leur inculqua sa foi et son souci des autres, et les poussa à poursuivre de hautes études universitaires.

Une fois libéré du souci de la fratrie, Costy poursuivit des études universitaires à l’Université de Lyon où il obtint en 1960 un diplôme en psychologie et un autre en psychologie appliquée, et en 1981 un doctorat d’Etat en philosophie. Entretemps et à partir de 1951, il pratiqua l’enseignement dans un lycée gouvernemental à Tripoli, au lycée orthodoxe à Mina et à l’école des Frères du Sacré Cœur. De 1962 à 1964, il donna des cours de psychologie à l’Université Libanaise à Tripoli, et de 1962 à 1969 à l’Ecole des Hautes Etudes à Beyrouth, et il donna de nombreuses causeries dans divers cercles éducatifs, culturels et ecclésiaux.

Il pratiqua le conseil psychologique avec de nombreux jeunes et groupes de jeunes, en particulier au sein des écoles et du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe. Il pratiqua aussi la mise en éveil psychologique et éducative des parents sur le plan privé et dans des cercles organisés par des écoles privées.

Il publia plus de 60 ouvrages traitant de divers sujets religieux, philosophiques, psychologiques et éducatifs. Certains de ses livres sont considérés comme des références dans des écoles et universités au Liban et le monde arabe.

Sa pensée

          Son parcours intellectuel se démarqua de ses pairs dans le monde arabe en ce qu’il essaya toujours d’examiner avec beaucoup de courage les données de la pensée humaine contemporaine à la lumière de sa foi chrétienne. Son abondante érudition alliée à sa grande lucidité scientifique et la recherche du détail l’aidèrent dans cette démarche. Son souci majeur fut d’établir un dialogue entre les diverses disciplines scientifiques et sa foi en Jésus. Pour lui, tout dialogue appelle d’abord à une remise en question personnelle, et à l’acceptation de toute vérité venant de l’autre. Il est donc une occasion d’interpellation et de renouveau. Il écrit à ce sujet: “La pratique de la religion est toujours écartelée entre le symbole et la superstition, la foi et la magie. C’est là son problème. Elle est donc appelée à se purifier continuellement pour se débarrasser de ses  scories. Pour cela elle se doit d’accepter avec bienveillance toute critique venant de l’extérieur, même si elle est abusive, car en s’opposant aux excès dans lesquels elle peut tomber, ces critiques lui permettent d’ajuster son parcours. Et ce faisant, ils lui permettent sans vraiment le vouloir ou même le savoir d’accéder à la repentance (dans le sens évangélique de métanie qui est une conversion et un changement  radical) qu’elle se doit toujours des pratiquer si elle veut être vraiment elle-même ‘ (La pratique de la religion entre foi et magie, propos autour du récit ‘dayem dayem’ de Maroun Abboud, revue An Nour, no. 6-7, 1981, p. 171). Bendali interpelle la culture moderne lui demandant d’adopter la même attitude de critique de soi dans son dialogue avec le christianisme, évoquant par exemple la légèreté du freudisme dans son analyse de la religion ; ou celle de l’athéisme philosophique dans sa compréhension de l’homme. Cet appel à se remettre en question ne l’empêche guère, tout en affirmant sa foi de chrétien orthodoxe que la plénitude de la vérité se trouve en Jésus de Nazareth, de dire qu’il restera ‘un chercheur de vérité jusqu’à son dernier souffle’. Cette antinomie ne s’explique que par sa conviction qu’un véritable dialogue exige à la fois beaucoup de sérieux scientifique et beaucoup d’humilité de comportement.

            La pensée de Bendali est exposée plus particulièrement dans sa thèse de doctorat, où il fait une avancée dans le dialogue entre christianisme et freudisme, montrant comment s’enracine la religion véritable dans les expériences de l’enfant avec ses parents et sa mère et comment elle les dépasse en même temps, ces expériences acquérant l’énergie du symbole qui se dévoile et se cache tout autant. Sa connaissance profonde des courants de la philosophie contemporaine, de Nietzsche à Paul Ricœur lui permit de s’y référer dans le développement de sa vision ‘symbolique’ de l’éclosion de la religion et de dépasser la pensée freudienne, tout en se basant sur certaines de ses données. Cette connaissance lui permit aussi d’entamer un dialogue serein avec l’athéisme contemporain dans ses aspects marxistes et sartriens. Son érudition ne s’arrêta aux philosophes mais s’étendit aux romanciers et aux poètes tant il était convaincu que leur sensibilité exacerbée leur permettait de saisir les mouvements de l’âme humaine et ses penchants conscients et inconscients.

            Dans ses ouvrages, Costy Bendali aborde en croyant averti des problèmes théologiques essentiels tels celui de l’existence de Dieu, et celui du mal, et se penche sur les dimensions sociales de la foi, telles la justice et la non-violence. Il jette les fondements d’une éducation chrétienne authentique. Il parle des relations sexuelles liées à un amour responsable comme facteur de rencontre et d’ouverture. Il critique le confessionnalisme et vilipende le caractère machiste de nos sociétés. Il est concerné par la personnalité propre à chaque enfant et à chaque jeune dans tous ses aspects pour assurer une cohésion harmonieuse entre la foi et la vie où se conjuguent les dimensions spirituelles et humaines.

            Ces divers sujets sont abordés dans une approche enracinée dans l’Evangile et le souci majeur de rapprocher la foi de la vie. Fermement convaincu de la centralité de l’Incarnation du Fils de Dieu dans ce monde, et amoureux de Sa présence dans Sa création, Bendali avait compris que cette présence n’avait pas de fin, et qu’il est du devoir des chrétiens de s’intéresser à tous les aspects de la vie humaine, car la foi chrétienne se doit d’entrer en dialogue avec la culture humaine avec une pleine ouverture à l’autre dans le respect de son altérité et la reconnaissance de ses accomplissements, et ce si elle veut être en mesure d’interpeller ce monde. Pour Bendali, les chrétiens sont les témoins de cette présence divine, et ils sont requis de la manifester à l’univers entier sans tenir compte d’aucune frontière sinon celle de la saine doctrine. Pour cela, certaines de ses opinions ont ébranlé de nombreuses traditions ecclésiales et sociales établies, considérées par certains une partie intégrante de la Sainte Tradition. Quant à lui, il se refusait à l’adoption de toutes coutumes sociales ou héréditaires, ou d’habitudes entachées de superstition qui défigurent la vraie Tradition ecclésiale. Il ne cessait de répéter que ‘la mort du Christ et Sa Résurrection ont séparé définitivement la foi de la magie, ainsi que le symbole de la superstition’.

            L’influence de Costy Bendali, en particulier ses prises de position sur les méfaits du confessionnalisme, les dangers de la société de consommation et la place de la femme, s’est étendue dans les milieux orientaux non orthodoxes et non chrétiens à travers des analyses critiques positives qui mettent en valeur la portée culturelle de sa pensée.

Son engagement au sein du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe (MJO)

           Dès sa prime jeunesse, Costy Bendali a fait la connaissance de Monseigneur Georges Khodr, un des principaux fondateurs du MJO, au collège des Frères des Ecoles Chrétiennes où ils étaient condisciples. Khodr l’a convaincu d’intégrer les rangs du Mouvement dès 1944. Il n’avait alors que 18 ans. Par la suite une solide amitié, personnelle et familiale, les lia et encouragea de nombreux échanges autour de l’esprit de ce Mouvement et son rôle dans le renouveau de l’Eglise Orthodoxe. Bendali fut un des pionniers qui répandit cet esprit en particulier à Tripoli et Koura.

            En 1945 Khodr (alors avocat et secrétaire général du MJO) le chargea de la responsabilité des programmes et de l’orientation au sein du centre MJO de Tripoli. Il y fonda les ‘les écoles du Dimanche’ pour la catéchèse des enfants. Il a défini par la suite cette action par les paroles suivantes : ‘Dès nos débuts, le principe essentiel de lier la foi à la vie fut au centre de nos soucis éducatifs. Nous en avons parlé en disant que l’éducation religieuse doit être ancrée au cœur de l’éducation humaine globale, c’est-à-dire que le souci d’éveiller l’enfant à la foi et de la faire progresser en lu ne peut être mené sans le souci de l’aider à bâtir une personnalité humaine harmonieuse, ouverte, éveillée, libre, sûre d’elle-même et entreprenante. C’est ce qui nous a poussé à lier notre enseignement incessant du contenu de la foi transmis à l’enfant dans toute sa vérité, sans déformation aucune ni minimisation, avec notre recherche incessante pour comprendre la psychologie enfantine, sur les plans théorique et pratique, et ses spécificités et les étapes de son développement, ainsi que les difficultés qui accompagnent ce développement et peuvent le compromettre’ (Retour aux sources, propos liés au soixantième anniversaire des écoles du Dimanche).

            L’engagement de Costy Bendali au sein du MJO a pris une importance primordiale dans sa vie. Par son attachement à l’Evangile, sa culture, son courage intellectuel, son ouverture aux jeunes et leurs problèmes et son souci de l’Eglise et de ses difficultés, il y exerça un rôle de leadership de prime importance, tant sur le plan de l’organisation que celui de ses membres. Il inspira durant plus de cinquante ans le témoignage du MJO. Il dialogua avec ses jeunes et l’orienta. Il joua un rôle prépondérant dans l’encouragement des jeunes à assumer les causes de la société civile, à lutter contre l’injustice et à considérer les moyens non violents comme un outil de changement sociétal. Au-delà des mots et des écrits, l’authenticité de son mode de vie, sa droiture, sa mansuétude, sa disponibilité et son engagement au service des pauvres et des humbles furent le ferment qui a amené son milieu et tous ceux qui l’ont connu et l’ont eu pour maître, à se convaincre de la nécessité du changement.

 

Ont collaboré à l’écriture de ce texte 

Monsieur René Antoun, ancien Secretaire Général du MJO

Docteur Assaad Kattan, Chaire de Théologie Orthodoxe, Centre d’Etudes Religieuses, Université de Munster, Allemagne

Monsieur Iskandar Bendaly

*Traduit en Francais par Monsieur Raymond Rizk

 

Costi Bendaly
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